Tant de nuances de pluie – Asha Lemmie

Résumé

Kyoto, 1948. Nori Kamiza n’a que huit ans lorsque sa mère la laisse devant l’immense demeure de sa grand-mère. La famille Kamiza est parmi les plus nobles du Japon, or Nori, aux cheveux crépus et à la peau foncée, est le fruit d’une relation scandaleuse avec un gaijin, un étranger, noir de surcroît. Alors sa grand-mère l’accueille, mais va tout faire pour la cacher. Elle l’installe au grenier et l’oblige à subir des traitements pour la rendre plus « japonaise » : elle lui lisse les cheveux et la soumet à des bains d’eau de Javel pour blanchir sa peau. Nori accepte son sort, malgré sa curiosité lancinante pour ce qui se trouve à l’extérieur des murs du grenier. Mais lorsque le hasard amène son demi-frère aîné légitime, Akira, sur le domaine qui est son héritage et son destin, Nori accède à un monde nouveau. Un monde dans lequel elle n’est pas une intruse, mais un être libre, digne d’être aimé. Cependant tout a un prix. Et la liberté de Nori exigera plus d’un sacrifice…

Avis

Tant de nuances de pluie existent qu’il y a une cinquantaine de façons de les nommer. Nori les connaît, car Nori aime la pluie. Elle lui tient compagnie dans le grenier où elle vit recluse. Enfant illégitime, métisse de surcroît, c’est une chance qu’on lui permette de vivre, si bien qu’elle n’en demande pas davantage. Du moins le croyait-elle, jusqu’au jour où elle est frappée par un inattendu rayon de soleil…

Merci à Babelio et aux éditons Harper Collins pour l’envoi de ce service presse. Voilà un bout de temps que je n’avais pas été aussi happée par une lecture, au point d’avoir des difficultés à la lâcher, et pourtant…

Pourtant, plus je tournais les pages, plus j’avais du mal à comprendre pourquoi je prenais autant de plaisir à lire une histoire qui me déplaisait paradoxalement de plus en plus. Et encore maintenant, je ne me l’explique pas.

Je suppose que cela tient de la plume d’Asha Lemmie, d’une fluidité et d’une addictivité qui n’ont pas été sans me rappeler celle de Stephenie Meyer, malgré quoi elle n’est pas exempte de défauts, notamment dans son équilibre.

Le texte est très contemplatif. Même si à aucun moment il ne m’a ennuyée, il aurait mieux valu passer moins de temps à décrire le grenier, les jardins, les kimonos, les fleurs… et plus sur les passages contribuant au développement psychologique de l’héroïne.

En fait, ce livre manque de ce que l’on appelle communément le « Show, don’t tell ». À l’exception des rapports que Nori entretient avec Akira, les autres sont plus énoncés que montrés. Elle est amie avec la fille de la maison close parce qu’on nous le dit, sa formatrice n’est pas malveillante envers elle parce qu’on nous le dit, Alice et elle sont comme deux sœurs parce qu’on nous le dit (et qu’elles apparaissent comme telles des années plus tard), aussi émane-t-il de l’ensemble une dimension très superficielle.

Le pire étant sa relation avec Will. Il aurait pu y avoir mille et une manières de justifier l’attitude de Nori, vis-à-vis de lui et même vis-à-vis de tous les autres (son besoin d’être aimée, l’éducation et les traitements qu’on lui a infligés…), mais chaque fois, j’ai eu le sentiment que les explications apportées par l’auteur tombaient à côté, au point de confiner à l’incohérence.

Quand je « lisais » Nori, elle m’apparaissait la moitié du temps comme une enfant de six ans, et l’autre moitié comme une jeune fille de vingt ans ou plus. Soit elle était naïve et sotte, soit beaucoup trop mature, presque blasée. Pas de juste milieu, et ce d’une page à l’autre, voire d’un paragraphe à l’autre.

Elle prétend par exemple connaître la vie pour avoir passé plusieurs années dans une maison close (années dont le lecteur n’aura, pour sa part, qu’un vague aperçu), elle préfèrerait mourir plutôt que d’être livrée en pâture à un homme… et il y a Will. Je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler, mais RIEN ne va là-dedans.

Et rien ne va jusqu’au bout, la fin atteignant pour moi le comble de l’incongruité. Ça partait bien, pourtant. Cette volonté de changer les règles, de chasser la haine par l’amour, de remplacer la peur par l’espoir… C’aurait été une conclusion excellente si, pour accomplir sa volonté de ne pas répéter le passé, Nori ne décidait pas de répéter EXACTEMENT le passé.

Et j’évoque Nori parce que c’est la protagoniste, mais la majeure partie des choix et des actions des autres personnages m’ont laissée tout aussi perplexe. Il y avait tant de façons de procéder différemment, mieux, surtout, à chaque moment-clé de l’intrigue, que plus je prenais du recul, plus je voyais la logique et le bon sens s’écrouler comme un château de cartes.

Je pourrais dire que ce livre est sauvé par son ambiance, mais là encore… Le contraste entre le Japon séculaire, pétri de traditions et de convictions archaïques, et son évolution plus moderne, portée par les jeunes générations, est indubitablement réussi, mais du pays en général, et de l’époque d’après-guerre à laquelle se déroule l’histoire, il faudra se contenter du minimum syndical, puisque l’essentiel de l’œuvre se passe à huis-clos.

Écrire cet avis n’a vraiment pas été facile pour moi, car même encore, je ne sais pas quoi penser de ce roman, ni même si je l’ai apprécié ou non. Je dirais que j’ai aimé le lire, plus que je n’ai aimé son contenu et la voie suivie par le scénario à maintes reprises. Je vous invite par conséquent à le découvrir si vous le désirez, afin de vous forger votre propre opinion.

Note : 3 / 5

Laisser un commentaire

Site Web créé avec WordPress.com.

Retour en haut ↑

Concevoir un site comme celui-ci avec WordPress.com
Commencer