Le Paradis blanc – Kristin Hannah

Résumé

Quand Ernt rentre du Vietnam, sa fille Leni, dix ans, ne le reconnaît pas. Poursuivi par de terribles cauchemars, il se montre violent envers sa femme Cora. Un jour, il reçoit une lettre du père d’un de ses amis, mort dans ses bras durant cet enfer, qui lui lègue un terrain avec un chalet en Alaska. Il se dit qu’il pourra peut-être s’y reconstruire. Avant la guerre, ils étaient si heureux… Au cœur de l’Alaska des années 1970, une poignante saga familiale qui prend racine dans la beauté d’une nature éblouissante et sauvage.

Avis

Leni a peu de souvenirs de son père « d’Avant ». Avant la guerre du Vietnam, avant sa longue captivité, avant qu’il ne devienne un individu agressif et paranoïaque. Aussi, lorsqu’il leur annonce, à sa mère et à elle, avoir hérité d’un terrain en Alaska, où ils pourront recommencer leur existence à zéro, elle a d’abord un peu de mal à le croire. Une nouvelle vie les attend-elle réellement dans Le Paradis blanc ?

Je n’ai eu de cesse de repousser l’écriture de cette chronique, à défaut de savoir par quel bout l’entamer, tant j’ai à dire sur ce roman. Comme il est divisé en trois parties, c’est ainsi que j’ai finalement décidé de procéder, car mon opinion varie en fonction de chacune d’elles.

Commençons par la première : le départ pour l’Alaska, la découverte de ce territoire, la « dernière frontière », aussi beau que sauvage, l’adaptation laborieuse, les liens qui se tissent, le soleil de minuit et les nuits qui deviennent des journées entières…

J’ai adoré. Déjà parce que l’Alaska est un cadre que j’affectionne énormément. Il peut paraître étrange de se prétendre nostalgique d’un endroit où l’on n’a jamais mis les pieds, pourtant c’est ce que je ressens à l’égard de ce grand nord, éternellement associé dans mon cœur à La Jeunesse de Picsou.

C’est toujours un plaisir de le retrouver, surtout quand il est aussi bien mis en valeur qu’ici, à travers les magnifiques descriptions de Kristin Hannah. La splendeur et la rudesse de cette vaste terre glacée imprègnent chaque page, et je suis retombée amoureuse à mesure que je les tournais.

D’ailleurs, c’est aussi d’amour dont il est question dans ce livre. Hélas, il est loin d’être aussi pur, aussi immaculé que la neige alaskaine. C’est une passion toxique, inextricable et destructrice qui lie les parents de Leni, Ernt et Cora, au grand désarroi de celle-ci.

On comprend vite que l’Alaska ne demeurera pas longtemps un paradis pour cette famille. La rigueur du climat, de l’environnement, des longs et impitoyables hivers, auront tôt fait de bouleverser leur équilibre fragile, et de réveiller le pire qui sommeille en Ernt.

La façon dont l’auteur a choisi de traiter la violence conjugale, du point de vue de Leni, m’a beaucoup touchée. Bien qu’elle n’ait que treize ans, elle est très mature, et surtout très lucide quant à la nature de la relation qui unit ses parents, puisqu’elle en essuie les conséquences.

Ernt a beau ne pas lever la main sur elle, elle souffre de voir sa mère subir la fureur et les coups paternels. Et elle souffre encore plus de l’obstination maternelle. « Je l’aime, il nous aime, nous ne pouvons pas l’abandonner… » Voilà ce que ne cesse de répéter Cora, aveugle à la réalité, une réalité qui broie cette enfant qu’elle considère et qualifie de « grand amour de sa vie », sans en percevoir l’ironie.

Heureusement, d’aucuns la remarquent à sa place, en particulier Large Marge et Tom Walker, leurs voisins, au point de ne pas hésiter à s’interposer. Les Alaskains forment une communauté soudée, ils s’entraident et se protègent…

… jusqu’à la deuxième partie, où les personnages s’enlisent dans des réactions et des comportements assez incohérents au regard de leur attitude passée. Cora, c’est plus ou moins admis, elle est sous l’emprise de son époux, mais les autres ? Pourquoi Leni doit-elle subir les mises en garde de son entourage parce qu’elle fréquente un garçon dont le père est haï par le sien ? Comment peut-elle tolérer que sa mère (qui n’a du reste jamais eu de scrupules à flirter pour attiser la jalousie de son mari) ose lui demander de garder ses distances avec son seul et unique ami afin que « ça ne lui retombe pas dessus » ?

Tout au long de ma lecture, j’ai senti croître en moi une profonde rancune à l’encontre de Cora, de tous les drames, de toutes les souffrances, que sa passivité, ses choix et ses excuses ont semé dans l’existence de sa fille, et il m’a manqué une vraie, une implacable confrontation entre elles, pour exorciser cette émotion.

Je sais que certaines personnes sont plus indulgentes que d’autres, qu’elles ne débordent pas d’amertume ou de ressentiment, mais ne serait-ce que par rapport au destin de Matthew, il aurait été légitime que Leni se tienne à un moment devant sa mère et lui lâche un « C’est autant ta faute que la sienne. » Sauf que ça ne se produira jamais. La compassion et le pardon finissent toujours par l’emporter.

Ce qui m’amène à la troisième et dernière partie, que j’ai vu quelqu’un qualifier de « fin à l’américaine ». Pour ma part, je l’appellerai le karma, ainsi que Cora le souligne si bien. Tout le monde obtient la conclusion qu’il mérite, conférant à ce livre une dimension manichéenne qui m’avait échappée jusque-là.

À bien y réfléchir, c’était pourtant évident. On y trouve deux catégories de gens : les alliés et les empêcheurs de tourner rond, ces derniers étant au nombre de… deux ? Trois si l’on compte le policier qui ne fait que son travail.

Au terme d’une ellipse de huit ans, tout se précipite. Les protagonistes lavent leur conscience, et on règle en deux temps trois mouvements une situation qu’on s’était jadis appliqué à dissimuler par tous les moyens. À se demander pourquoi, quand on voit combien sa résolution est aussi rapide que risible. Je suppose que les saumons ne s’annonçaient pas d’une qualité suffisante, en 1978…

Ainsi que je le mentionnais en début de chronique, et comme vous avez sûrement pu le constater depuis, il m’est très difficile d’émettre à propos de cette histoire un avis tranché et argumenté, qui ne reposerait pas uniquement sur des impressions personnelles, tant ses différentes facettes m’ont parlé et remuée (que ce soit en bien ou en mal).

J’en suis au point de ne pas savoir si je l’ai aimée ou si elle m’a agacée, si c’est un coup de cœur ou un récit dans lequel j’aurais voulu tout changer. Les deux, probablement. La dualité des sentiments qu’elle m’inspire n’est que le pendant de celle qu’elle porte en elle : un roman dont la noirceur est altérée par des relents plus… oserai-je l’écrire ? Plus Bisounours.

Si je devais nourrir un regret, et un seul, à l’endroit de cet ouvrage, c’est qu’il n’ait pas été écrit par David Joy. Sous la plume sombre et âpre de cet auteur, qui compte parmi mes préférés, je ne doute pas que j’aurais été transcendée. Là… Eh bien, je l’ai été, « mais ».

D’un autre côté, si je me réfère à mes propres critères, j’ai tendance à considérer comme « coup de cœur » les œuvres qui m’atteignent au plus profond de moi, or le moins que l’on puisse dire, c’est que c’est le cas de celle-là. Je vais donc lui concéder ce statut, ne serait-ce qu’au nom de notre amour commun pour l’Alaska.

Note : 4 / 5

Coup de ♥

Livre lu dans le cadre de la PAL one shot

5 commentaires sur “Le Paradis blanc – Kristin Hannah

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